Le SPF FINANCES a publié sur son site, une décision prononcée en 2016 par le Tribunal de 1ère Instance de Liège, Division Liège concernant les conditions d’exonération du précompte immobilier pour cause d’improductivité.
1. Les conditions pour obtenir l’exonération partielle ou totale du précompte immobilier (en région wallonne)
Cette décision est l’occasion de préciser les conditions qui permettent d’obtenir une exonération partielle ou totale du précompte immobilier car la pratique laisse apparaître un régime strict et les situations permettant d’obtenir l’exonération ne sont pas aussi évidentes que ce qu’on pourrait imaginer.
Tout d’abord, Depuis plusieurs années, le précompte immobilier est un impôt qui a été « régionalisé ».
Chaque région dispose donc de sa propre version de l’article 257 du CIR 92.
Pour la Région Wallonne, nous nous attacherons à l’article 257 4° du CIR 92 tel que modifié par le Décret wallon du 10 décembre 2009 d’équité fiscale et d’efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives qui dispose que:
« Sur la demande de l’intéressé, il est accordé:
4° remise ou modération du précompte immobilier dans une mesure proportionnelle à la durée et à l’importance de l’inoccupation, de l’inactivité ou de l’improductivité du bien immeuble:
a) dans le cas où un bien immobilier bâti, non meublé, est resté inoccupé et improductif pendant au moins 180 jours dans le courant de l’année;
b) dans le cas où la totalité du matériel et de l’outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 %de leur revenu cadastral, est restée inactive pendant 90 jours dans le courant de l’année;
c) dans le cas où la totalité soit d’un bien immobilier bâti, soit du matériel et de l’outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 pct de leur revenu cadastral respectif, est détruite.
Les conditions de réduction doivent s’apprécier par parcelle cadastrale ou par partie de parcelle cadastrale lorsqu’une telle partie forme, soit une habitation séparée, soit un département ou une division de production ou d’activité susceptibles de fonctionner ou d’être considérés séparément, soit une entité dissociable des autres biens ou parties formant la parcelle et susceptible d’être cadastrée séparément.
L’improductivité doit revêtir un caractère involontaire. La seule mise simultanée en location et en vente du bien par le contribuable n’établit pas suffisamment l’improductivité.
A partir du moment où il n’a plus été fait usage du bien depuis plus de douze mois, compte tenu de l’année d’imposition précédente, la remise ou la réduction proportionnelle du a) ci-avant ne peut plus être accordée dans la mesure où la période d’inoccupation dépasse douze mois, sauf dans le cas d’un immeuble dont le contribuable ne peut exercer les droits réels pour cause de calamité, de force majeure, d’une procédure ou d’une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l’immeuble, jusqu’au jour où disparaissent ces circonstances entravant la jouissance libre de l’immeuble. Est notamment considéré comme tel, l’immeuble qui constitue un logement non améliorable, au sens de l’article 1er, 14°, du Code wallon du Logement, reconnu comme tel par un délégué du Ministre du Logement ou par un arrêté du bourgmestre. »
2. La décision du Tribunal de 1ère instance de 2016
2.1. Les faits
Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit :
Un immeuble a été acquis en 2010 dans un état de vétusté et de délabrement important. Il est inoccupé depuis le 8 juin 2010. Selon le contribuable, l’improductivité et l’inoccupation de l’immeuble revêtent un caractère involontaire dans son chef.
Il estime que l’immeuble est en très mauvais état et nécessite l’exécution de travaux dont le coût et l’ampleur sont particulièrement importants. Le contribuable précise qu’en raison des risques d’effondrement de la toiture et de sa charpente, l’immeuble a fait l’objet d’une interdiction d’accès partielle en 2012.
De plus, le contribuable estime que le coût des travaux à réaliser est prohibitif, d’autant plus que le bien était, avant son acquisition par le contribuable, utilisé pour une activité de galvanoplastie (traitement du métal). La situation financière du contribuable est précaire, de sorte que la seule solution est la mise en vente de l’immeuble. Compte tenu de la pollution du site, une mise en location est impossible.
En raison de l’interdiction d’accès et de l’enquête environnementale, le contribuable ne pouvait jouir de ses droits réels sur cet immeuble.
Le contribuable a contesté les précomptes immobiliers enrôlés à sa charge pour les exercices d’imposition 2011, 2012 et 2013.
2.2. La décision
Dans sa décision, le Tribunal va considérer qu’il « appartient au contribuable d’établir qu’il se trouve dans les conditions requises afin de pouvoir bénéficier de l’avantage de l’exonération ou de la réduction du précompte immobilier, soit l’existence d’une cause de force majeure qui l’empêche de jouir de son immeuble. »
La décision rappelle les principes et notamment, la force majeure qui peut être définie comme « un événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n’a pu ni prévoir ni conjurer ».
Le tribunal précise que la force majeure est « inconciliable avec une négligence ou un défaut de précaution ».
Le Tribunal poursuit en estimant que « l’impossibilité doit s’apprécier de manière raisonnable et humaine ». « Il faut, mais il suffit, que l’exécution soit normalement impossible, eu égard aux circonstances et aux conditions de vie. »
Concernant les causes que le contribuable invoquaient pour justifier la non jouissance de l’immeuble, le Tribunal cite Monsieur Patrick WERY en rappelant que « pour qu’un événement soit considéré comme cause étrangère libératoire, il importe aussi qu’« aucune faute du débiteur [ne soit] intervenue dans la genèse des circonstances réalisant cet obstacle, la force majeure ne peut résulter que d’un événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n’a pu ni prévoir ni conjurer ».
C’est cette idée que l’on traduit généralement par l’affirmation que l’événement constitutif de force majeure doit être inévitable et imprévisible. Le fait du créancier lui-même ou celui d’un tiers peuvent constituer une cause étrangère libératoire. […]. Encore ne peut-il s’agir, dans cette hypothèse, du fait d’un tiers dont le débiteur doit répondre.»
Le Tribunal termine en précisant que :
« Il ne peut être question de force majeure en l’espèce. En effet, la force majeure est l’événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n’a pu ni prévoir ni conjurer. Or, l’état de l’immeuble était bien connu de la requérante au moment de l’achat.
L’immeuble a été acquis en 2010 et une interdiction partielle d’accès, suite au délabrement de l’immeuble et l’absence de mesures de sécurité prises par le propriétaire, est intervenue en juin 2012.
Ce n’est dès lors pas en raison de cette interdiction, par ailleurs partielle et dictée par des raisons de sécurité, que l’immeuble est improductif, cette improductivité étant effective bien avant.
En ce qui concerne le coût des travaux, il s’agit d’un élément tout à fait prévisible compte tenu des circonstances. De plus, le devis produit a été établi en 2015, soit cinq ans après l’acquisition et il ne s’agit pas d’un coût excessif compte tenu de l’état du bâtiment (cf. dossier photographique produit). »
2.3. Conclusion
Cette décision permet de préciser et de rappeler que:
– Le précompte immobilier peut ne pas être dû après une période d’inoccupation de plus de 12 mois, ce que certains contribuables peuvent ignorer ;
– Les conditions d’exonération sont assez strictes et il ne suffit pas d’invoquer la non-jouissance du bien pour obtenir la réduction ou l’exonération exonération.
Pour obtenir la remise ou la modération du précompte immobilier, il faudra démontrer que les conditions suivantes sont respectées en apportant la preuve que:
- l’immeuble est bâti et non meublé;
- l’immeuble doit être inoccupé et improductif pendant au moins 180 jours dans le courant de l’année civile;
- l’improductivité doit revêtir un caractère involontaire.
N’est notamment pas considéré comme ayant un caractère involontaire :
- le défaut d’attestation électrique;
- les raisons familiales (divorce, mésentente, sortie d’indivision, etc…);
3. Précompte immobilier : le caractère involontaire du l’improductivité ou de l’inoccupation
Dans la pratique, on constate que l’obstacle majeur pour obtenir l’exonération du précompte immobilier est de prouver le caractère involontaire de l’improductivité ou de l’inoccupation.
Il me semble utile de rappeler les intentions du législateur wallon qui ont aboutit à la modification législative de 2009.
La Cour Constitutionnelle a d’ailleurs eu l’occasion de procéder à cet exercice dans un arrêt de 2019.
D’abord, l’objectif de cette disposition d’accorder un avantage fiscal (soit la remise ou de la modération du précompte immobilier) pour les biens inoccupés ou improductifs afin « de ne pas taxer le possesseur d’un bien immobilier qui vient d’être mis temporairement dans l’impossibilité de percevoir des revenus de son immeuble, pour des causes indépendantes de sa volonté ».
C’est donc une certaine forme d’équité fiscale qui prévaut afin d’éviter de désavantager le propriétaire qui répare et améliore son immeuble, avec pour conséquence une occupation de l’immeuble après les travaux, partant, paiement du précompte immobilier (avec même peut-être une augmentation du revenu cadastral de l’immeuble à la suite de ses travaux), par rapport au propriétaire spéculant sur la valeur du terrain en laissant se dégrader l’immeuble.
Rappelons aussi que le que le Ministre du Budget, des Finances, de l’Emploi, de la Formation et des Sports l’a souligné lors des discussions sur le texte voté que la disposition vise à « encourager l’accès au logement et, corrélativement, à décourager la spéculation immobilière ».
La modification qui a été votée par le Gouvernement Wallon « s’inscrit dans le contexte d’une lutte plus large contre les logements abandonnés ».
On peut lire dans l’arrêt de la Cour Constitutionnelle publié sur FisconetPlus que :
Par la disposition en cause, le législateur décrétal a entendu limiter dans le temps le bénéfice de la réduction du précompte immobilier à une période d’inoccupation de douze mois. Cette limite est en rapport avec le souci du législateur décrétal d’inciter le contribuable à exécuter diligemment des travaux d’entretien ou de réparation ou à rechercher un locataire ou un acheteur.
Ainsi, « est notamment considéré comme tel, l’immeuble qui constitue un logement non améliorable, au sens de l’article 1er, 14°, du Code wallon du Logement, reconnu comme tel par un délégué du Ministre du Logement ou par un arrêté du bourgmestre
3.1. Force majeure
La meilleure doctrine nous enseigne que la force majeure est :
« (..) un événement à caractère insurmontable, et selon certains imprévisible, indépendant de toute faute du débiteur, qui empêche ce dernier d’exécuter ses obligations ou de se conformer aux normes exclusives de faute, tout en restant dans les limites de la diligence que l’on peut attendre de lui «
De cette définition, on peut déduire qu’il faut 3 conditions pour être dans un cas de force majeure : Il faut que l’événement soit :
(1) insurmontable
Pour être insurmontable, il faut être dans « l’impossibilité d’exécuter les obligations découlant du contrat ». Il doit s’agir d’une impossibilité effective. Si l’exécution est plus chères ou plus difficile, cette condition est a priori, non remplie.
(2) indépendant de la volonté
Pour cette condition, on renvoie à ce qu’a décidé la Cour de Cassation également qui a considéré que « la force majeure ne peut résulter que d’un événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté
n’a pu ni prévoir ni conjurer ».
Cette condition implique, en réalité, l’exclusion de toute faute humaine.
(3) imprévisible
Ici aussi, on renvoie à la Cour de Cassation. Il faut que l’événement n’ai pu être anticipé par l’homme et qu’il n’a pu l’éviter.
=> A titre d’exemple, la foudre ou une calamité naturelle peut être considérée comme un cas de force majeure.
En 2020, la planète entière a connu la crise du Covid 19. La Belgique n’a pas été épargnée et le législateur fédéral avait d’ailleurs dans un premier temps estimé que la crise du Covid 19 était un cas de force majeure en ces termes:
Par dérogation aux dispositions légales et réglementaires et sans préjudice des régimes spéciaux à adopter par les autorités compétentes, la menace du virus Covid-19 et la prise de mesures à son encontre par les autorités durant la période allant du 18 mars 2020 au 5 avril 2020 inclus, date de fin susceptible d’être adaptée par le Roi, sont d’office considérées comme constituant un cas de force majeure
Cette version du texte n’a finalement pas été retenue.
Cependant, on peut raisonnablement considérer que la crise du Covid 19 comme indiqué ici et là .
Attention toutefois qu’il ne faut pas invoquer cette crise à tout bout de champs et dans n’importe quelle circonstance. A titre d’exemple, un personne physique, locataire d’un appartement qu’il affecte à sa résidence, n’est normalement pas affecté par la crise du Covid 19 dans les rapports avec son propriétaire. La situation doit donc être examiné attentivement dans la relation qu’un propriétaire pourrait avoir avec l’administration fiscale.
4. Comment et quand contester le précompte immobilier?
Il est également utile de rappeler que la réclamation contre l’avertissement extrait de rôle enrôlant le précompte immobilier doit être envoyée dans les 6 mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d’envoi de l’avertissement extrait de rôle.
Enfin, d’autres causes de réduction du précompte immobilier sont prévues dans le code des impôts sur les revenus à savoir notamment si vous êtes propriétaire d’une habitation modeste. D’autres réductions s’adressent spécifiquement à l’occupant de l’habitation (personne handicapée, enfant à charge,…).
Vous souhaitez plus d’infos sur le droit fiscal, consulter ma page sur le droit fiscal.