Accord d'été : un droit d'option à l’assujettissement TVA

Mise à Jour décembre 2017: Le Gouvernement a finalement fait marche arrière et a retiré cette mesure de ses réformes.
Mise à jour 30/03/2018: Le Gouvernement fédéral prévoit d’inclure ce droit d’option

 

En 2016,  j’ai effectué une recherche sur la « location immobilière active ou passive » en matière de TVA.

En conclusion de cette recherche, j’écrivais ceci :

« De manière assez paradoxale, la location immobilière en TVA est une opération pour laquelle les assujettis souhaitent être taxés malgré l’exemption prévue en la matière[1].

L’avantage fiscal recherché est le droit à déduction de la taxe payée pour les frais d’acquisition, de constitution, d’entretien, de réparation et d’amélioration de l’immeuble.

La « location immobilière » n’étant pas définie par les textes légaux, la Cour de Justice s’est emparée de cette mission et a modifié sa conception au fil des années pour aboutir à l’idée qu’une location immobilière pouvait être active ou passive[2].

En définissant la « location immobilière » comme étant l’opération où le propriétaire confère à son cocontractant, pour une durée convenue et contre rémunération, le droit d’occuper un immeuble comme s’il en était le propriétaire et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit[3], la Cour de Justice a essayé d’apporter une ligne de conduite claire à tout assujetti souhaitant mettre en œuvre cette opération.

Force est cependant de constater que dans la majorité des cas, l’assujetti tente de contourner cette exemption, pour bénéficier du droit à déduction, en présentant l’opération comme « complexe »[4].

Cette opération complexe qualifiée parfois de « location immobilière active » ne peut être clairement définie puisque la Cour de Justice soumet sa qualification à une appréciation au cas par cas.

Au vu de ces éléments, n’aurait-il pas été judicieux de maintenir, comme le prévoyait le projet de la sixième directive, l’obligation de soumettre à la TVA toutes les locations d’immeubles utilisées à des fins industrielles ou commerciales[5] ?

Nous relevons que le mécanisme d’option prévu à l’article 137 de la directive 2006/112/CE apporte une solution mais en délaissant aux états membres la décision de mettre en œuvre, par le biais d’une transposition, cette faculté d’opter[6].

La Belgique n’a pas jugé nécessaire d’accorder le mécanisme d’option à ses assujettis.

Afin de se conformer à la jurisprudence européenne, l’administration a pris une circulaire AFER n°39/2005 qui a permis de résoudre certains problèmes en apportant un cadre clair aux assujettis propriétaire d’immeuble souhaitant louer celui-ci.

Cependant, cette circulaire ne s’applique qu’aux centres d’affaires et par conséquent d’autres opérations « similaires »[7] ne sont pas concernées ce qui qui aboutit encore à des litiges importants pour le contribuable[8].

A l’instar de M. bernaerts[9] qui écrit : « pourquoi ne pas raviver la possibilité d’opter pour la taxation des locations immobilières dès lors que l’utilisation des locaux est économique ou, plus simplement, de réserver l’exonération aux locations d’habitation ?, »  nous estimons que le mécanisme d’option est une solution aisée à mettre en œuvre et qui évacuerait une grande partie des problèmes de qualification des opérations de location immobilière « active ».

Cette solution est d’autant plus souhaitable dans la mesure où le comportement des assujettis tend vers la taxation de cette opération. Rien n’indique cependant que le législateur se dirigera vers cette possibilité dans un futur plus ou moins proche.

Il nous reste à voir si les critères, maintenant bien établis de la Cour de Justice, permettront d’apporter plus de quiétude dans cette matière qui n’a cessé d’évoluer depuis une dizaine d’années… ».

 Dans son accord d’été 2017, le Gouvernement Fédéral a prévu pléthore de mesures dans une série de domaines (fiscalité, administration moderne, etc).

A la lecture de ces mesures, j’ai pointé que le Gouvernement Fédéral a l’intention de :

« faciliter la chaîne logistique et la TVA optionnelle pour la location de biens immobiliers »

(…)

« En outre, les règles TVA pour les nouveaux contrats concernant la mise à disposition de biens immobiliers seront simplifiées par l’introduction d’un système optionnel d’assujettissement à la TVA en vue de mettre fin au handicap concurrentiel des opérateurs belges. ».

Le Gouvernement Belge prend donc la voie du mécanisme d’option à l’assujettissement à la TVA prévu à l’article 137 de la directive 2006/112/CE.

Reste à voir les modalités d’application de ce droit à option qui peut s’avérer extrêmement intéressant pour les investisseurs/promoteurs immobiliers.

Les conséquences de ce droit à option à l’assujettissement TVA pour ce type d’opérations sont multiples. Une des conséquences les plus importantes sera que le propriétaire du bâtiment aura droit  déduire la TVA payée pour les frais d’acquisition, de constitution, d’entretien, de réparation et d’amélioration de l’immeuble.

Affaire à suivre donc….

[1] Nous partons du postulat que chaque contribuable tente d’éviter de payer un impôt, une taxe, etc…
[2] Ces critères n’apparaissent pas dans la directive TVA.
[3] La Cour a également précisé que tous ces critères doivent être rencontrés, à ce propos voir les développements au point 3.2.2.
[4] Une mise à disposition d’immeuble accompagnée d’une série de services.
[5] Voir également sur les problèmes liés à cette solution, J.-C. SCHOLSEM, op.cit., p. 328.
[6] La Belgique avait dans un premier temps a autorisé cette faculté puis a supprimé rétroactivement cette faculté par la loi du 6 juillet 1994.
[7] Une mise à disposition d’immeuble accompagnée d’une série de services.
[8] L’arrêt LUC VARENNE en est un des derniers exemples.[9] Y. BERNAERTS, « Location immobilière et TVA – 40 ans de galère – L’inévitable n’arrive jamais, c’est toujours l’inattendu qui se produit », R.G.F., 2012, liv. 2, p.9.