dirigeant dettes fiscales

Dirigeant d’entreprise et dettes fiscales

Dans un précédent article, j’examinais la responsabilité d’un dirigeant dans le cadre de l’application de la procédure de sonnette d’alarme.

L’examen de la jurisprudence récente nous démontre que la responsabilité des dirigeants est de plus en plus mise en cause par le SPF FINANCES sur la base d’une action en responsabilité spécifique. Cette action aboutit à la condamnation solidaire du dirigeant pour les dettes de précompte professionnel et TVA de la société.

Cela signifie que si vous êtes condamné sur la base de ces dispositions légales, vous devrez payer un montant de dettes fiscales de votre société personnellement.

Sur la base de l’article 93undecies C, §§ 1er et 2, du Code de la TVA et de l’article 442quater du C.I.R. 1992, le ou les dirigeants de la société chargés de la gestion journalière de peuvent être considérés comme solidairement responsables de certaines dettes fiscales (précompte professionnel et TVA).

1. La responsabilité du dirigeant pour les dettes fiscales

Les conditions d’application de l’article 93undecies C, §§ 1er et 2, du Code de la TVA et de l’article 442quater du C.I.R. 1992 sont similaires. Nous examinerons celles-ci dans les lignes qui suivent.

  • Dirigeant d’entreprise

Tout d’abord, cette disposition ne s’applique qu’au dirigeant de société ou de personne morale chargés de la gestion journalière.

Par dirigeant de la société ou de la personne morale au sens de ces dispositions, il faut entendre « toute personne qui, en fait ou en droit, détient ou a détenu le pouvoir de gérer la société, à l’exclusion des mandataires de justice ».

  • Une faute du dirigeant

La responsabilité solidaire du dirigeant peut être engagée lorsque la société manque à son obligation de paiement du du précompte professionnel ou de la TVA et que ce manquement est imputable à une faute au sens de l’article 1382 du Code civil, que le dirigeant a commis dans la gestion de la société ou de la personne morale.

Cette faute, au sens de l’article 1382 du Code Civil, peut être considérée comme celle qu’un dirigeant normalement prudent et diligent n’aurait pas commise.

Néanmoins, la loi prévoit une présomption de faute dans le chef du dirigeant. 

Il y aura donc présomption de faute lorsque:

– soit, pour un redevable/assujetti trimestriel, le défaut de paiement porte sur au moins deux dettes échues au cours d’une période d’un an;

– soit, pour un redevable/assujetti mensuel, le défaut de paiement porte sur au moins trois dettes échues au cours d’une période d’un an.

Cette présomption permettra donc à l’Administration de considérer que la simple fait, pour la société, de ne pas avoir payé deux (redevable/assujetti trimestriel) ou trois (redevable/assujetti mensuel) dettes au cours d’une période d’un an est constitutif d’une faute.

Cette présomption est très lourde et implique donc une très grande vigilance dans le chef du dirigeant.

  • Renversement de la présomption de faute

Fort heureusement, cette présomption peut être renversée. Pour ce faire, le dirigeant devra démontrer que le non-paiement provient de difficultés financières qui ont donné lieu à l’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire.

Il appartiendra donc au dirigeant de démontrer au Tribunal que les difficultés liés au non paiement de l’impôt s’inscrivent dans un contexte générale et non pas une simple volonté de la société de s’accorder un crédit unilatérale à l’égard de l’Etat. 

2. Les conditions de forme à respecter pour mettre en cause la responsabilité du dirigeant

L’action judiciaire contre les dirigeants n’est recevable qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à dater d’un avertissement adressé par le receveur par lettre recommandée à la poste invitant le destinataire à prendre les mesures nécessaires pour remédier au manquement ou pour démontrer que celui-ci n’est pas imputable à une faute commise par eux.

Je recommande vivement aux dirigeants de répondre de manière circonstanciée à cette lettre car elle permettra de résoudre bien des problèmes dans le cas où une procédure judiciaire serait lancée.

3. Analyse des dispositions à l’égard du dirigeant

Après avoir exposé les conditions de fonds et de forme de ces dispositions, un détail saute aux yeux.

En effet, un des moyens permettant au dirigeant de renverser la présomption de faute sera de démontrer que le non-paiement des dettes fiscales provient de difficultés financières qui ont donné lieu à l’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire.

Cela signifie que si la société n’a pas sollicité une procédure de réorganisation judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire, le dirigeant ne pourra renverser la présomption est sera condamné solidairement, avec donc la société, au paiement des dettes.

Ces dispositions sont assez sévères à l’égard du dirigeant, raison pour laquelle, ce dernier devra être particulièrement vigilant en cas de retard de paiement des dettes fiscales.

Un jugement du Tribunal de 1ère instance de Bruges nous confirme cette considération.

Les faits sont les suivants: la SPRL ‘D’ était redevable d’une dette de 14.498,16 € de TVA et de 2.302,98 € de précompte professionnel.

Dans sa décision du 6 février 2018, le Tribunal a considéré que les dirigeants de la société devaient être condamnés en tant que responsables solidaires du paiement, en principal et intérêts, des montants qui restent dus par la SPRL ‘D’.

Le Tribunal a estimé qu’il n’y a eu aucune réaction aux mises en demeure.

La non-action persistante à l’obligation de payer la TVA et le précompte professionnel dus, constitue une faute dans le chef des gérants de la société au sens de l’article 1382 du Code civil.

Toute autre argumentation n’a plus aucune importance selon le Tribunal.

A la lecture de cette jurisprudence et de ces dispositions, il est vivement recommandé à chaque dirigeant d’être extrêmement vigilant lors de la réception de la mise en demeure et de prendre les mesures nécessaires pour remédier au manquement ou pour démontrer que celui-ci n’est pas imputable à une faute commise par eux.

Une mise au point avec un professionnel est vivement recommandée afin d’éviter une condamnation solidaire du dirigeant ce qui pourra aboutir à des conséquences négatives dans le chef du dirigeant.

 

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