droits d'auteur & dirigeant

Dans un précédent article, je passais en revue différents moyens d’optimiser les revenus d’un dirigeant d’entreprise qui était également associé de son entreprise. J’ai présenté le mécanisme de la réserve de liquidation et l’octroi des dividendes sous le régime des VVPR.

Il existe également plusieurs autres mécanismes qui peuvent être mis en place au profit du dirigeant d’entreprise qui n’est pas associé de l’entreprise comme l’attribution d’avantage en nature ou d’avantages sociaux.

Ces mécanismes constitueront toutefois un revenu professionnel en application du principe d’attraction visé à l’article 32 du CIR 92 et seront donc taxés selon le barème progressif à l’impôt des personnes physiques. L’ensemble de ces revenus professionnels serviront aussi de base de calcul des cotisations sociales.

Malgré ces contraintes apparentes, certains dirigeant d’entreprise (ou travailleur) créent des œuvres qui peuvent être protégées par un droit d’auteur ou un droit voisin. Le dirigeant d’entreprise, auteur de cette œuvre, pourra céder ou concéder des droits d’auteurs ou des droits voisins à son entreprise et obtenir un revenu de provenant de cette cession ou concession.

Ces revenus sont automatiquement assimilés à des revenus mobiliers à l’impôt des personnes physiques et sont à ce titre imposés distinctement à 15 % seulement, jusqu’à un montant de 59.970 € en 2018 (37.500 €/exercice à indexer). La base imposable est composée des revenus bruts sous déduction des frais réels exposés ou des frais forfaitaires (50% de 0 à 15.990 € et 25% de 15.990 € à 31.990 € en 2018).

Pour apprécier si l’article 17, § 1er, 5°, CIR 92, trouve à s’appliquer, il faut examiner au préalable les éléments suivants :

1) la prestation fournie a-t-elle donné lieu à la production d’une «œuvre littéraire ou artistique»?

2) dans l’affirmative, les droits d’auteur relatifs à cette œuvre ont-ils fait l’objet d’une cession ou d’une concession à l’égard d’un tiers, ce dans le cadre d’un contrat (écrit) ?

3) enfin, le revenu rétribuant ladite cession ou concession des droits d’auteur est-il clairement spécifié dans le contrat ?

ŒUVRE PROTÉGÉE (littéraire ou artistique)

Ce régime avantageux est ouvert à toute personne qui cède (vend) ou concède (loue) un droit associé à l’exploitation d’une œuvre protégée par un droit d’auteur.

Afin d’être protégé par les droits d’auteur, il suffit que l’œuvre soit une création intellectuelle ou artistique et suffisamment originale. Le critère d’originalité est défini comme reflétant l’empreinte personnelle de l’auteur et qui revêt une forme concrète.

Dans une décision du 30 octobre 2018, la Cour d’Appel de Gand a eu l’occasion de rappeler qu’une œuvre est originale si : “l’auteur a exprimé ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs. Les différentes parties d’une œuvre bénéficient de la protection de la loi précitée à condition de contenir des éléments qui sont l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur de cette œuvre. Elles ne bénéficient pas de cette protection si elles sont banales.”

La loi sur les droits d’auteur n’exclut aucun type d’œuvre. La notion d’oeuvre doit donc être entendue d’une manière large pour autant que les critères d’originalité et de mise en forme (fixé dans un support matériel) soient rencontrés.

CONVENTION

Comme mentionné dans sa circulaire, l’Administration fiscale recommande la rédaction d’une convention qui fixera les droits et obligations des parties. On relève à ce sujet dans la circulaire que:

“Sur le plan fiscal, il n’existe aucun barème ou forfait de référence en matière de détermination des revenus imposables à titre de revenus de droits d’auteur. La ventilation éventuelle entre revenus mobiliers et revenus professionnels sera a priori opérée sur la base des termes de la convention, qui traduisent la volonté des parties.”

REVENU CLAIREMENT SPÉCIFIÉ

L’idée sous-jacente de cette convention est de permettre de déterminer le montant de la cession ou de la concession de droits d’auteur d’œuvres protégées.

La circulaire mentionne aussi que :

–      si le contrat prévoit une clé de répartition ou une rétribution distincte en fonction de l’objet rémunéré (exercice-même de la profession ou cession/concession de droits d’auteur ou de droits voisins), on se référera à la clé de répartition prévue au contrat;

–      si le contrat prévoit notamment une cession ou une concession de droits d’auteur ou de droits voisins, avec mention d’une rétribution globale (donc sans identifier la partie des revenus rémunérant ladite cession ou concession), il est considéré que les droits sont censés être cédés ou concédés à titre gratuit;

–      si le contrat vise uniquement la cession ou la concession de droits d’auteur ou de droits voisins, non pas la prestation d’artiste, la totalité de la rétribution est censée afférente à la cession ou la concession de droits d’auteur ou de droits voisins;

–      si le contrat ne prévoit pas de cession ou de concession de droits d’auteur ou de droits voisins, nonobstant le fait que la prestation en cause soit telle qu’elle comporte nécessairement une telle cession ou concession, il n’y a a priori pas d’application des dispositions de l’art. 17, § 1er, 5°, CIR 92.

Il faut donc être extrêmement prudent lors de la rédaction de cette convention car une convention mal rédigée annihilerait le bénéfice de ce régime avantageux.

EXEMPLES

Le Service des Décisions Anticipées (SDA) rend, de manière régulière, des décisions sur cette matière.

Il n’est pas évident de tracer une limite claire entre ce qui est protégé par le droit d’auteur, et donc qui peut faire l’objet d’une cession ou concession, et ce qui ne l’est pas.

A été considéré comme œuvre protégée et donc où une partie des revenus peut être considéré comme des revenus de droit d’auteur:

  • un conférencier ou un chargé de cours qui lors de son exposé remet un support écrit “substantiel” : la contrepartie financière peut être traitée comme un revenu de droit d’auteur à 50 %;
  • un dirigeant d’entreprise d’une société active dans la publicité et le marketing peut percevoir un revenu pour le travail créatif réalisé au profit de sa société (50 % du chiffre d’affaires de la société provenant de la cession des droits d’auteur doit être conservée par la société, les 50 % restant pouvant être attribués au dirigeant);
  • rédaction d’article par un gérant cédé à la société et exploité via le site internet: 10% du chiffre d’affaire net.

 

CONSEIL

Il a été rappelé à plusieurs reprises tant par le SDA que par le fisc qu’il ne pourrait être question de transformer en droits d’auteur des revenus qui constituaient jusqu’alors des rémunérations ou des profits de professions libérales.

Cet élément étant rappelé, chaque dirigeant est susceptible de valoriser son travail créatif dans la mesure où la notion d’œuvre protégée doit être examinée de manière large et pour autant qu’elle respecte le critère d’originalité et de mise en forme.

Une fois l’œuvre protégée identifiée, il faudra être particulièrement prudent dans la rédaction de la convention et dans la ventilation des rémunérations attribuées aux dirigeants en paiement de la cession ou concession effectuée avec sa société. On constate que le SDA veille également au existant entre le bénéficiaire de la cession/concession et le cédant/concédant. Un dirigeant d’entreprise qui est également associé pourrait être tenté de “gonfler” les revenus octroyés par ce biais. Les revenus octroyés pour des droits d’auteur ne devront donc pas obérer la rentabilité de la société et devront être conformé au prix du marché.

 
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