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MISE A JOUR ( janvier 2023)
 
Après l’arrêt de la Cour d’Appel de Bruxelles qui s’était prononcée favorablement sur la question de la faillite d’un dirigeant, la Cour d’appel de Mons a rendu un arrêt le 5 février 2019. Elle considère que le gérant d’une SPRL ne peut être qualifié d’entreprise et ne peut donc bénéficier de la procédure de faillite.

La Cour d’Appel de Liège a, quant à elle, réformé deux jugements du Tribunal  de l’Entreprise qui avait refusé de déclarer en faillite les gérants d’une SPRL. Dans ses arrêts du 2 avril 2019, la Cour d’Appel de Liège estime que les gérants d’une SPRL peuvent être considérés comme une entreprise et sont donc soumis au droit de l’insolvabilité s’ils sont dans les conditions.

La controverse semble maintenant définitivement tranchée.

Dans une décision rendue le 23 novembre 2023, la Cour de cassation a clarifié sa position sur un sujet débattu : peut-on considérer un dirigeant d’entreprise comme une « entreprise » au sens de la loi ? Selon la Cour, une personne physique peut être vue comme une entreprise si elle utilise des ressources matérielles, financières ou humaines pour exercer une activité professionnelle de manière indépendante.

Cependant, la Cour a souligné un point important : un dirigeant qui travaille uniquement au sein d’une société, sans organiser d’activité indépendante à l’extérieur de celle-ci, n’est pas considéré comme une entreprise. Autrement dit, il faut que le dirigeant utilise ses propres moyens, et non simplement ceux de la société, pour être reconnu comme une entreprise.

Que dit la Cour de justice de l’Union Européenne? 

Dans une décision du 21 décembre 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a pris une position claire sur ce qu’on entend par une activité économique exercée de manière indépendante, en se référant à un cas spécifique concernant les membres des conseils d’administration. 

Selon la CJUE, même si un membre du conseil d’administration organise son travail de manière autonome, reçoit directement ses rémunérations, agit en son propre nom et n’est pas lié par une subordination hiérarchique, il n’est pas considéré comme exerçant une activité indépendante s’il ne travaille pas pour son propre compte, sous sa propre responsabilité et ne prend pas en charge le risque économique lié à son activité.

 

Contribution écrite avec Philippe Moineau, Avocat au Barreau de Liège
 
Il existe actuellement une controverse importante au sein de la jurisprudence quant à la question de savoir si un mandataire social personne physique (gérant ou administrateur de société) (ayant le statut d’indépendant) peut ou non être déclaré en faillite.   
 
Depuis le 1er mai 2018, le droit de l’insolvabilité est régi par le livre XX du Code de droit économique (ci-après « CDE »). À cet égard, toute « entreprise » au sens de l’article I.1, al. 1er CDE peut être déclarée en faillite, à l’exception des personnes morales de droit public.
 
On considère notamment comme une entreprise  les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle à titre indépendant.  Les mandataires sociaux personnes physiques (par exemple : un dirigeant d’entreprise, un gérant de SPRL) rentrent-ils dans cette catégorie ? L’intérêt de cette question réside dans les conséquences qui découlent d’une déclaration de faillite pour une personne physique.  En effet, depuis le 1er mai 2018, une personne physique en faillite peut bénéficier de l’effacement de ses dettes. Ce régime a été examiné dans une brève précédente.  (voir mon article sur le sujet)
 

Faillite d’un gérant : des arrêts bien différents  

À l’heure actuelle (janvier 2019), plusieurs juridictions ont été amenées à se pencher sur cette problématique et le moins que l’on puisse écrire, c’est qu’elles ne se sont pas prononcées de manière unanime…  
 
Dans un jugement du 29 juin 2018, le Tribunal de commerce de Liège, division Liège a considéré, après avoir analysé la nouvelle définition de l’entreprise, que le membre d’un organe de gestion d’une société doit, en règle, lorsqu’il exerce ce mandat sous le statut d’indépendant, avoir la qualité d’entreprise en raison de l’exécution de son mandat. Le Tribunal de commerce a ainsi prononcé la faillite d’un gérant rémunéré d’une SCS.  
 
Très récemment, la Cour d’appel de Bruxelles a également déclaré en faillite un gérant de société, dès lors qu’il rentrait, selon la Cour, dans le champ d’application de la définition d’entreprise (personne physique qui exerce une activité professionnelle sous le statut d’indépendant). À l’inverse, le Tribunal de commerce du Brabant wallon a considéré qu’un gérant ne pouvait être considéré comme une entreprise, et partant déclaré en faillite, dès lors qu’il ne poursuit pas un but économique qui lui est propre.
 
Enfin, le Tribunal de l’entreprise du Hainaut, division Tournai a, quant à lui, estimé, en se fondant sur le « chapeau » de la définition d’entreprise de l’article I.1, al. 1er CDE, qu’un gérant peut être considéré comme une entreprise, si (et seulement si) il est une « organisation », à savoir un agencement de moyens personnels et matériels, ce qui n’est en principe pas le cas, à moins que le mandataire concerné ne gère plusieurs personnes morales, par exemple. Le Tribunal de l’entreprise de Liège a récemment rendu une décision similaire. Force est de constater qu’il existe actuellement une véritable cacophonie au sein de la jurisprudence, provoquée par la nouvelle définition de l’entreprise, sensée renforcer la sécurité juridique, mais qui s’avère poser de sérieux problèmes d’interprétation en ce qui concerne la problématique de la faillite des mandataires sociaux personnes physiques.    
 

Conséquences sur l’engagement de caution du gérant.

Sur le plan juridique, le raisonnement tenu par le Tribunal de Tournai nous semble devoir être approuvé. Sur le plan de l’opportunité, nous approuvons les décisions considérant que le gérant ne peut être déclaré en faillite. Si la jurisprudence de la Cour d’Appel de Bruxelles devait se généraliser, cela pourrait aboutir à une situation ingérable.   En effet, l’engagement de caution pris par le gérant serait comme vidé de sa substance puisque le gérant pourrait se soustraire à ses engagements en faisant aveu de faillite et en sollicitant l’effacement de ses dettes. Par ailleurs, quelles seraient les conséquences d’une telle jurisprudence pour les gérants condamnés suite à une action en responsabilité pour faute de gestion ? À suivre cette jurisprudence, on  pourrait aboutir, de facto, à une forme « d’impunité » dans le chef  des dirigeants d’entreprises.
 
En conclusion, il n’est pas possible à l’heure actuelle de déterminer avec certitude si un mandataire social personne physique peut ou non être déclaré en faillite et à quelles conditions. Reste à espérer une intervention rapide du législateur (ce dont on peut douter vu la situation politique actuelle) ou de la Cour de cassation. 
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