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Gestion du patrimoine privé : introduction 

En Belgique, la gestion normale d’un patrimoine privé n’entraîne pas, normalement, de taxation sur les opérations ou plus value éventuellement réalisées par un contribuable agissant comme tel. Parmi les opérations “problématiques”, on peut recenser les investissements immobiliers de manière générale ou les plus-values sur actions.

Dans la présente contribution, nous nous concentrerons uniquement sur la problématique des investissements immobiliers. Nous tirerons les enseignements de deux arrêts des Cours d’Appel de Gand et Bruxelles. Le complexe de faits est généralement le même. Un contribuable achète un immeuble, il le rénove et le loue ou le vend.

La question que l’Administration fiscale se pose est de savoir si les revenus locatifs ou la plus-value réalisée sont des revenus professionnels. En effet, les revenus de biens immobiliers sont considérés comme des revenus professionnels lorsque ces biens sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus (art. 37, al. 1, CIR 1992) ou des plus-values pourraient être considérées comme un revenu divers (art. 90, 1°, CIR 1992) .

Examinons maintenant les deux décisions pour tenter de dégager des critères communs.

Arrêt de la Cour d’Appel de Bruxelles du 13.12.2017 –

Les faits

Un contribuable achète en 2002 un terrain bâti qu’il finance par le biais d’emprunts. En 2004, il souscrit un crédit pont de 625.000 € pour la rénovation de l’immeuble à appartements, qui en tout en comptera sept. Les appartements sont vendus en 2005 et 2006.

Le fisc entend taxer la plus value en la considérant comme étant une opération réalisée en dehors de la gestion normale d’un patrimoine privée.

Analyse de la Cour

La cour d’appel rappelle que pour entrer dans la cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé, l’opération doit constituer un acte de gestion qu’un bon père de famille accomplit habituellement en vue d’accroître ou conserver son patrimoine. Un certain niveau de spéculation n’est par ailleurs pas étranger à la gestion de ses biens privés par un bon père de famille.

La cour d’appel rappelle ensuite que la formulation générale de l’article 90, 1° CIR 92 est particulièrement large. Selon la Cour, il suffit donc de démontrer que l’on se trouve en dehors de la gestion normale du patrimoine privé pour que l’opération soit taxée sous le régime des revenu divers.

Dans le cas d’espèce, c’est donc au fisc de démontrer que la vente des appartements en 2005 et 2006 s’est faite en dehors d’une gestion normale du patrimoine privé.

La cour d’appel constate:

  • que l’immeuble et le terrain ont été acquis en avril 2002 dans le cadre d’une vente publique. Le bien a donc été acquis normalement et à un prix normal.
  • qu’un certain délai s’est écoulé entre l’achat (2002) et la vente (2005-2006);
  • que les contribuables n’ont pas fait appel à des professionnels du secteurs (promoteur immobilier et/ou agent immobilier, ou avec tout autre acteur professionnel du secteur immobilier);
  • Vu l’âge, la formation, l’expérience professionnelle et à la situation financière des contribuables (qui disposaient d’un portefeuille d’investissement de 1.054.527,00 EUR), l’achat pour le prix de 161.130,00 EUR ne pouvait à ce moment être considéré comme risqué;
  • Vu l’ampleur du patrimoine des contribuables, l’achat et la somme empruntée n’a mis à aucun moment en danger le patrimoine des contribuables, et le risque était relativement limité dans le chef de l’emprunteur.

Il est utile de souligner la considération de la Cour qui indique : “qu’un investissement immobilier doit être considéré comme un des investissements les moins risqués, et que l’emprunt pour financer l’acquisition d’un bien immobilier est en outre plutôt « plus normal », et témoigne plutôt du comportement d’un bon père de famille, puisque des avantages fiscaux résultent de l’emprunt pour financer l’achat d’un bien immobilier. “

Arrêt de la Cour d’Appel de Gand du 09.10.2018 –

Les faits

Un contribuable a acheté une quarantaine d’appartements en 2001 pour environ 1 million € financé au moyen d’un emprunt hypothécaire.

Pour la location, le contribuable fait appel à une société dont il possède 90% des des parts et dont il est administrateur délégué. La société s’occupe de la gestion locative et va donc percevoir les loyers et supporter les coûts des appartements (réparations, équipements utilitaires, frais communs et frais de personnel). Le solde est versé au contribuable qui déclare les revenus comme étant des revenus immobiliers.

La Cour va confirmer le point du vue du fisc et considérer que les loyers perçus sont des revenus professionnels et non des revenus immobiliers.

Analyse de la Cour

Bien que la question concerne la qualification de revenus en revenus immobiliers ou professionnels, on peut facilement déduire de cet arrêt des critères qui permettent de distinguer une activité professionnelle de celle d’un bon père de famille qui gère son patrimoine privé.

Dans un commentaire de cette décision, Monsieur Stefaan Van Crombrugge rappelle que “sur base de la jurisprudence et de la doctrine, une occupation lucrative devient professionnelle(…) si elle se caractérise par un ensemble d’opérations qui sont suffisamment fréquentes et liées entre elles pour constituer une occupation continue et habituelle qui sort du cadre de la gestion normale du patrimoine privé”. (Le Fiscologue, 1602, p.11)

Une fois encore, pour savoir si une opération “entre” dans une catégorie de revenus, il faut examiner les circonstances propres du cas d’espèce.

Ainsi, la Cour estime a estimé qu’il était justifié d’imposer les loyers nets à titre de revenus professionnels.

La cour d’appel constate:

  • que l’opération a été intégralement financé par le biais d’un crédit bancaire;
  • que le contribuable perçoit 90% des loyers nets détient plus de 90 % de la société gestionnaire et qu’il est l’unique administrateur;
  • que la société ne facture aucune prestation pour les services qu’elle fournit au contribuable, aucune contrepartie n’est réclamée par la société;
  • que le contribuable est mandataire d’une dizaine d’autres sociétés actives dans le secteur immobilier;
  • que l’activité revêt un caractère durable puisqu’elle porte sur une période contrôlée de 8 années;
  • que le risque est supporté uniquement par le contribuable;

Quels critères ?

Au travers de ce qui précède, on peut distinguer certains critères qui sont pris en compte pour qualifier une opération de telle ou telle manière et notamment :

  • Moyen d’acquérir : s’agit-il d’une vente “classique” ou d’un montage complexe (démembrement de la propriété, donation, etc…)
  • Recours au crédit bancaire : quel est le pourcentage de fonds propres investis dans le projet? Quel est le risque pris par l’emprunteur?
  • Délai entre l’achat et la vente: en fonction de la durée, on peut considérer qu’il y aurait spéculation si un délai relativement court s’écoule entre l’achat et la vente;
  • Recours à des professionnels du secteur immobilier: cette condition est discutable dans la mesure où l’on peut considérer qu’un bon père de famille fera appel à des professionnels s’il est néophyte dans le secteur immobilier.
  • nombre d’opérations et l’importance de celles-ci: le contribuable est-il “un habitué” des opérations immobilières? S’agit-il d’opérations importantes au niveau financier ?
  • le lien étroit entre l’activité professionnelle principale du contribuable et les opérations: un agent immobilier aura plus de risque de voir une opération requalifiée compte tenu de son secteur d’activité à l’inverse d’un fleuriste ou un salarié informatique.

 

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