Un pacte d’associés: indispensable?
« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Tout entrepreneur a pu expérimenter, à sa manière, ce proverbe et dans la plus grande majorité des cas, a pu constater sa véracité.
Les associés, c’est une équipe qui va s’unir pour un projet. Lorsqu’on crée une entreprise, un projet, les associés vont se mettre d’accord sur le business plan, les statuts de la société, les modalités de fonctionnement au sein de l’entreprise. Pour la plupart de ces éléments, ce sont des obligations légales à respecter pour constituer une société (statuts de la société et business plan).
Cependant, ces documents sont insuffisants. La gestion des relations et des conflits potentiels entre associés ne sont pas assez encadrées par le statuts et il est bien souvent utile, voire indispensable, de signer un pacte d’associés en plus des statuts de la société.
Ce pacte d’associés permet aussi de concrétiser les accords des associés, qui sont décidés quand tout va bien, pour éviter des situations de blocages, quand tout va mal.
Le pacte d’associés permet aussi de protéger l’entreprise et ses projets comme nous le verrons ci-dessous.
A noter ici que nous utiliserons exclusivement la notion d’associé qui sont les personnes composant une association dans le sens d’un projet. En droit des sociétés, les titulaires de titres d’une société sont dénommés des actionnaires. Les personnes composant une association (ASBL) sont des membres.
Les termes actionnaires ou associés sont donc identiques « conceptuellement » dans le présent article.
Voici quelques raisons de rédiger un pacte d’associés:
Les statuts de la société sont inadaptés
Les statuts d’une société sont publiés au Moniteur Belge et sont donc accessibles par tous. Il n’est donc pas envisageable/conseillé de mettre des informations sensibles ou propres aux associés dans les statuts à cause de cette caractéristique.
En plus du caractère publique, la modification des statuts est un processus complexe: il faut une majorité spéciale à l’assemblée générale pour voter la modification. Une fois votée, cette modification devrait être actée par un Notaire pour ensuite être publiée au Moniteur Belge. Une modification des statuts prend donc du temps et coûtera de l’argent.
Les statuts ont pour cible l’ensemble des associés/actionnaires de la société tandis que le pacte d’associés peut cibler et lier uniquement 2 associés (ou plus si nécessaire).
Le pacte d’associés est un contrat. Pour le modifier, il suffit que les parties qui ont signés ce contrat soient d’accord de le modifier en signant un avenant (clauses additionnelles qui modifient ou ajoutent des éléments au contrat de base). C’est donc une unanimité qui doit être trouvée entre les actionnaires.
Exemple: les associés décident de modifier les règles mises en place en raison d’une modification de la situation personnelle d’un associé.
Les caractéristiques des statuts (publiques, s’appliquent à tous) ont pour conséquence que les règles visées dans les statuts sont générales. Il n’est difficile d’entrer dans les détails. A l’inverse, le pacte d’associés autorise la personnalisation et le détail dans la rédaction des règles. Il est alors possible de créer des mécanismes complexes pour des situations spécifiques à l’entreprise.
Garder le contrôle
Le pacte d’associés permet de créer une procédure à respecter lorsqu’une situation se présente.
Exemple: que faire lorsqu’un associé décide de partir de la société, est malade pendant une longue durée ou pire lorsqu’il décède ?
Ces situations sont évidemment hypothétiques mais il est nécessaire de régler ces difficultés avant qu’elles n’apparaissent pour éviter d’accentuer les difficultés ou d’en créer de nouvelles. En fonction du rôle de l’associé (actif ou passif), la solution pourra aussi être différente.
On va donc cibler les différentes situations qui seront qualifiées de « bon départ » ou de « mauvais départ » (good/bad leaver). Les associés décideront ensuite des conséquences à mettre en œuvre dans pareilles situations. Par exemple, on pourra prévoir une clause de préemption qui permettra aux associés restant d’avoir la priorité pour acquérir les actions de l’associes sortant. S’agissant d’un contrat, le pacte d’associé peut être modelé à la volonté des associés. On pourra prévoir plusieurs hypothèses avec des solutions différentes en fonction de critères objectif.
Les modalités de résolutions de conflit entre associés pourront être prévues à l’avance par exemple en imposant le recours à la médiation et en fixant la manière de valoriser les actions de la société. Cela permettra très souvent d’éviter des discussions longues et très souvent stériles quant à la valeur d’une action. Cela permettra aussi d’éviter les coûts d’une procédure judiciaire qui seraient évitées.
Le pacte d’associés pourra aussi prévoir les cas où un tiers viendrait faire une offre d’achat de 100 % des actions.
Exemple : que feront les associés s’ils reçoivent une offre d’achat d’un concurrent? Un associé peut-il refuser de vendre alors que les autres sont d’accord et faire capoter le deal?
Une clause d’entrainement permet d’obliger les actionnaires à vendre les actions dans cette situation.
D’autres types de clauses peuvent être envisagées comme la clause d’inaliénabilité qui interdit la vente des actions durant une certaine période.
La clause d’agrément a pour objectif de soumettre à l’accord des associés l’entrée d’associé. Cette clause pourra être modélisée de manière plus précise en fonction de diverses situations.
Le pacte d’associés a également une importance en cas de levée de fonds par l’entreprise. Voyez à ce sujet mon article sur le financement d’une start-up en Belgique.
La gouvernance de l’entreprise
Certains associés peuvent avoir un rôle actif au sein de l’entreprise. Il est donc nécessaire d’organiser les choses afin de savoir « qui fait quoi« . Cela permettra d’éviter les erreurs, voire les tensions entre associés.
Le succès d’une association et d’un projet repose sur la communication et le pacte d’associés permet de mettre sur papier ce qui a été décidé.
Les aspects de gouvernance de la société peuvent aussi être abordés au sein d’un pacte d’associés. Il est par exemple possible de permettre à un ou plusieurs associés de désigner un administrateur au sein du conseil d’administration. Cela permet d’avoir une représentation équitable (et non proportionnelle) au sein du conseil d’administration.
Le pacte d’associés peut aussi prévoir la politique financière et stratégique de l’entreprise. Une clause relative à la distribution des dividendes pour limiter le montant des dividendes distribuables afin de favoriser l’investissement au sein de l’entreprise avec ses propres fonds.
Exemple: les associés peuvent prévoir une distribution de maximum 50 % du résultat sous la forme de dividendes et de définir un ordre d’investissement du solde au sein de l’entreprise.
Protéger l’entreprise et son projet
Le départ d’un associé peut faire trembler une entreprise, surtout si ce dernier a un rôle actif et important au sein de l’entreprise.
S’il n’est pas possible d’empêcher indéfiniment le départ d’un associé, les associés pourraient cependant à s’engager à rester un certain temps au sein de l’entreprise. Cet engagement permet de rassurer chacun des associés et crée un effet vertueux. L’insertion d’une clause d’implication peut donc trouver son intérêt pour renforcer la cohésion des associés et la pérennité du projet.
Le pacte permet de régler les procédures en cas de départ d’un associé. Dans certaines entreprises, le départ d’un associé peut entrainer d’autres complications.
Exemple: un associé décide de quitter de la société et ne veut plus qu’on utilise sa propriété intellectuelle développée dans l’entreprise. Gros problème pour le projet qui risque une paralysie et des procédures si une solution n’est pas trouvée.
Le pacte d’associés pourrait donc prévoir une clause de cession de la propriété intellectuelle des associés à la société avec éventuellement une méthode de valorisation. D’autres types de clauses peuvent être envisagées comme une concession obligatoire de la propriété intellectuelle durant un délai à déterminer.
Il peut aussi être envisagé d’insérer une clause de non-concurrence. Malheureusement lorsque les choses vont mal, les intentions des associés peuvent changer et les mauvais coups peuvent faire mal à la société. Pour se protéger d’une telle situation, les associés peuvent insérer une clause de non concurrence au sein du pacte d’associé qui interdira à l’associé sortant, dans certaines conditions, de faire concurrence à l’entreprise. La rédaction d’une clause de non concurrence doit être prise au sérieux car à défaut de respecter certaines règles, cette clause pourra être déclarée nulle et donc sans effet.
Enfin, les secrets de l’entreprise peuvent être protégés par l’introduction d’une clause de confidentialité au sein du pacte d’associé qui interdira à ces derniers de divulguer des informations sensibles durant leur présence au sein de l’entreprise et après leur départ.
Conclusion : mon conseil
Il n’est jamais facile de penser à la fin d’une relation lorsqu’elle celle-ci débute. La vie des affaires démontre que c’est toutefois indispensable de prévoir le pire afin de l’éviter, si possible. C’est d’ailleurs ce qui fera un bon pacte d’associé: prévoir le pire, au cas où.
Des modèles de conventions et de pacte d’associés existent sur internet et peuvent servir de base de travail aux associés qui envisagent la mise en place d’un tel pacte. Néanmoins, il est souvent de personnaliser ce pacte et de créer un pacte « sur-mesure » aux associés pour permettre de correspondre au plus près des besoins des associés et de l’entreprise.
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